« Chacun de nous peut se servir de son corps comme d’une galerie d’art ambulante » , écrit l’historienne italienne Grazietta Butazzi en 1983. Ainsi la question du corps est-elle inhérente à celle de la mode. Support du vêtement, le corps est contraint de se plier aux formes vestimentaires souhaitées par les couturiers ; il doit se mouler sur les silhouettes plus ou moins naturelles dessinées par ces maîtres de la mode. De fait, le corps-mode correspond à un fantasme imposé par les couturiers : ils imposent à la femme des mensurations à la limite parfois du surnaturel et font du corps leur chose, malléable à volonté.
Le principe du corps « portemanteau » prend naissance avec l’installation à Paris en 1858 du créateur anglais Charles Frederick Worth. Initiateur de la haute couture, il diffuse également la profession de mannequin. Le principe du corps-objet atteint alors son paroxysme : le mannequin porte le vêtement, le met en valeur, défile devant la cliente sans jamais prononcer la moindre parole, multiplie les allers-retours pour faire valoir la création du couturier.
Mis en scène lors des défilés et dans les revues féminines, ce corps-mode est loin de correspondre aux réalités physiques, notamment de celles des clientes des maisons de couture. Femme mutique lors des présentations des collections, le mannequin perd encore un peu plus en humanité dans les représentations graphiques que l’on fait d’elle dans les revues de mode.
Incarnation de la femme‑objet réduite à son plus simple appareil, le mannequin n’est-il pas l’incarnation parfaite du corps fantasmé ?